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Hommage à Nan Hangbê: la seule et unique Reine du Danhomey

22 juillet 2020

Aujourd'hui, je voudrais te raconter une histoire, l'histoire d'une femme EXCEPTIONNELLE, forte, remarquable au parcours inspirant.
Je suis originaire d’Abomey, une ville du sud du Bénin, ancienne capitale historique du Royaume du Danhomey.

J’ai eu la chance d’avoir eu un père qui était fou d’amour pour ses origines et sa culture et qui n’a eu de cesse de nous éveiller concernant ces sujets. Pour lui, il est impératif pour un homme de connaitre parfaitement sa culture, ses origines et son histoire.

Pendant les vacances scolaires chaque année, mon père vous déposait au village chez ma grand-mère (Nana).
Avec elle, nous allions au marché le matin et passions nos après-midis au musée d’Abomey.
Ensuite Nana et mes tantes devaient nous enseigner nos danses, notre histoire, nos panégyriques claniques.
J'ai donc grandi en ayant une conscience claire de mes origines, de ma lignée et de l'histoire du royaume de Dahomey. J'ai entendu ces histoires tant et tant de fois.

Mais à cette époque, je ne me suis jamais demandé pourquoi il n y avait eu que des rois dans ce royaume, je ne m'étais jamais demandé où étaient passées les femmes.

L’été 2018, en vacances à Cotonou, je suis retournée au Musée d'Abomey avec mes frères et sœurs.
Lors de notre visite, notre guide, raconte les mêmes épopées mais en parlant du roi Akaba, il  évoqua une reine dont je n'avais jamais entendu parler jusque là.
J’avais déjà entendu l’histoire fabuleuse des amazones du Bénin, mais jamais dans mon souvenir cette reine n’avait été évoquée.

L’histoire de Nan Hangbè ou Tassi Hangbè est fabuleuse, héroïque et unique
Elle a régné sur le royaume du Danhomè de 1708 à 1711, elle était la sœur jumelle du roi Akaba, 4ème roi du Dahomey. 

La légende raconte que le roi Akaba alors qu'il menait des batailles pour conquérir le royaume de Wémè, décéda des suites d’une épidémie de variole.
Après le décès du roi, pour éviter que les troupes ne se découragent, il avait été décidé de cacher son décès et de faire  passer sa sœur pour lui. Nan Hangbè devint alors la première - et seule-  reine à ce jour du Royaume du Dahomey.

Par la suite, elle n’eut jamais l’honneur d’être officiellement intronisée comme la tradition le prévoit, même si elle portait bien tous les apparats des souverains du royaume.


Tassi Hangbè était une Reine courageuse, visionnaire et un précurseur (en faisant des recherches pour écrire cet article, j'ai découvert que ce mot ne s'écrit qu'au masculin) ... bref passons.

A une époque où la condition des femmes était encore pire qu'aujourd'hui, où ces dernières  n'avaient presque aucun droit, Tassi Hangbè entreprit des réformes révolutionnaires:
C'est elle qui créa l'armée des amazones du Dahomey, un régiment composé exclusivement de femmes, de redoutables guerrières farouches, loyaux et invincibles. Leurs faits d'armes traverseront les territoires et les époques.
Les rois qui succéderont par la suite à Tassi Hangbè conserveront ces armées de femmes.

Parce qu'elle était convaincue que les femmes avaient autant de potentiel que les hommes, elle leur avait permis d’apprendre des métiers jusque-là réservés aux hommes
De même, droits et devoirs allant de paire, les femmes participaient également aux travaux forcés au même titre que les hommes.

Elle avait réussi à gagner avec bravoure, la bataille inachevée par son frère et avait conquis le royaume de Wémè. Elle remportera d’autres batailles mémorables avec son armée.

Tassi Hangbè dont le nom signifie littéralement "la tante à la voix" parce qu'elle avait une voix sublime, œuvra énormément pour le développement de la culture au sein du royaume. Elle avait pour habitude de chanter pour son défunt père, le roi pendant les cérémonies.

C'est notamment grâce à elle qu'encore aujourd'hui à Abomey, les chants ont une telle importance pendant les célébrations et les diverses cérémonies. Si vous êtes d’Abomey vous comprendrez de quoi il s’agit.

Pourtant, elle sera farouchement combattue par son propre frère cadet qui fera courir le bruit qu'elle était une femme légère. Elle sera dénigrée et traitée de catin indigne de ses fonctions: la méthode existe depuis toujours et n'a pas changé: encore aujourd'hui c'est ainsi que certains dans nos sociétés, nomment les femmes qui ne se conforment pas aux normes érigées par les hommes, c'est ainsi que l'on appelle les femmes libres, celles qui entendent vivre leur vie comme elles le souhaitent.

Croyez – le ou non,  ses exploits et son nom ont été rayés des livres d’histoire jusqu’à.... récemment.
Encore aujourd’hui sur le site du musée d’Abomey, seuls 13 rois sont cités, son nom n’est pas mentionné.

Je rends hommage à cette Reine exceptionnelle, invaincue, au parcours atypique, à cette femme forte et à son parcours impressionnant et inspirant afin que son histoire nous serve à nous toutes :

  • N’attendons pas qu’un homme manque à une poste pour qu’on nous choisisse à sa place, faute de mieux, comme un pis-aller. Nous devons travailler à être si compétentes que nous choisir ne devra être que l’unique choix possible. Il est temps de nous imposer.

  • En tant que femmes, lorsque nous sommes à des postes  de responsabilité ou en position de choisir, croyons suffisamment au potentiel d'autres femmes, pour leur donner la place qu'elles méritent: nous sommes tout aussi capables que les hommes

  • Soyons parfaitement conscientes de notre potentiel et de notre force : Nan Hangbè, à travers ses œuvres nous montre encore une fois que nous pouvons accomplir TOUT ce dont un homme est capable.

  • Ne laissons pas la société nous cantonner à des rôles secondaires uniquement parce que nous sommes des FEMMES!
 
Reine suprême, votre audace, votre vision et votre détermination constituent un exemple pour nous toutes.
Je vous restitue ici ce qui vous revenait de droit et dont la phallocratie et la misogynie vous a privé: notre reconnaissance et notre gratitude pour votre courage, votre force et tous vos accomplissements.

Je vous rends hommage votre Majesté, Tassi Hangbè, Dada Dôkoun non, Ayinon, Sèmindo Jêhôssou: je salue votre mémoire !

"Il n'y a aucune limite à ce que nous pouvons accomplir en tant que femmes"
Michèle Obama

 

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